Quand des familles s´endettent pour un voyage clandestin et dangereux


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Par Ahoua DJABATE Maria
Mis à jour le 2024-01-19 00:04:28

Arthur, 34 ans, est un ex-migrant qui a échoué. Il vit à présent chez ses parents à Abobo. Cette commune regorge plusieurs ex-migrants qui, comme Arthur, logent chez leurs parents ou loin de leurs familles pour échapper, d´après eux, à la honte de n´avoir pu avoir traverser la Méditerranée et « réussir ».


Arthur est au chômage depuis son rapatriement en 2020. La voix teintée de regrets, il explique combien il a dépensé pour ce voyage qui a échoué : « J’ai pris de l’argent avec mes parents sous prétexte que j’allais passer un concours. Ils m’ont remis 500.000 FCFA, la somme exacte qu’il fallait pour partir. Je ne leur ai rien dit car je savais qu’ils ne me laisseraient jamais risquer ma vie ».

Si la majorité des jeunes migrants de nationalité ivoirienne vient de Daloa, à 385 km d’Abidjan au Centre-ouest du pays, ce n’est pas le cas de Monsieur Komoé, ex-migrant, patron dans un atelier de couture dans la commune de Marcory. Il affirme avoir dépensé environ deux millions FCFA et plus pour un voyage qui n’a finalement pas abouti : «J’ai d’abord dépensé 100.000 FCFA pour le voyage de la Côte d’Ivoire à la Mauritanie. Là, j’ai ensuite bossé dure pendant quelques mois pour régler certaines dépenses sur place et rassembler un peu d’argent. Pour continuer mon aventure, j’ai dû débourser 400.000 FCFA pour un billet d’avion pour la Lybie. Le voyage de la Libye en Italie coûtait 1500 £, environ 975.000 FCFA, sans oublier les passeurs qui réclamaient encore de l’argent pour, selon eux, faciliter le voyage qu’ils ne facilitaient pas du tout !», déplore Komoé

Ce voyage vers l’Europe est si coûteux et risqué que certains parents ne l’approuvent pas pour leurs enfants. C’est le cas de Madame Dramé qui, depuis trois ans, n’a plus les nouvelles de sa fille unique : « Je n’étais pas d’accord au début pour ce voyage mais ma fille à réussis à me convaincre. Ce n’était pas facile pour nous. Donc on a réussi à convaincre mes frères pour une aide financière qu’on devait rembourser lorsqu’elle serait bien installée en Espagne. Avec mes économies et l’aide de ma famille, on a réussi à réunir la somme de 2,3 millions de FCFA. Ma fille a donc pu acheter un billet d’avion pour le Maroc ou elle devait se rendre pour la traversée clandestine vers l’Espagne. A son arrivée au Maroc elle s’est rendue compte que l’argent n’était pas suffisant puisque les passeurs demandaient 500.000 FCFA pour la faire traverser. Elle est donc rentrée en contact avec moi pour avoir encore de l’argent.  Elle ne pouvait plus revenir car elle était devenue l’espoir de toute la famille ».

Appelé autrefois ‘’Eldorado’’ par les ressortissants des pays frontaliers, la Côte d’Ivoire fait face, depuis quelques années, à l’accroissement d’un fléau dévastateur : la migration clandestine. Malgré les récits et témoignages décourageants et parfois même éprouvants de tous ceux qui en sont revenus bredouilles et rapatriés, de plus en plus de jeunes ivoiriens s’adonnent à cette mésaventure, mettant en péril leurs vies.

Le comble, c’est que ces risques semblent être le dernier des soucis des candidats à la migration clandestine face à leur désir ardent de passer à l’autre rive pour une « vie meilleure ». Mais combien coûte ce voyage clandestin ? A qui revient le coût de voyage de tous ces migrants ivoiriens ?  

Selon les archives du Rapport final sur l’étude du profil migratoire de Côte d’Ivoire, les Nations Unies estiment le montant total des transferts financiers de la diaspora ivoirienne à 148 millions de dollars en 2002, soit un peu moins de 1% du PIB.

Ce montant doit cependant être considéré avec précaution car il ne comptabilise que les transferts formels. Les transferts financiers des migrants s’effectuent soit à titre individuel, soit par le biais d’associations communautaires.

Ahoua DJABATE

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