Immigration clandestine : Un gouffre financier caché aux candidats à la mort


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Par Nadia Ba-Gomis & Sa
Mis à jour le 2024-01-19 00:03:14

Pour accéder à l´Europe irrégulièrement par les pays de transit, les migrants utilisent parfois la voie terrestre. Ibrahim Coulibaly, ex-migrant et étudiant, l´a choisie en février 2016.


Natif de Daloa, ville du Centre-ouest de la Côte-d’Ivoire, Ibrahim découvre le circuit grâce à un ami. Décidé, il réunit la somme de 200.000 francs CFA et la remet à un « convoyeur » chargé de coordonner les dépenses dans les différents pays à traverser. Il quitte par la suite Daloa.

A Bouaké, Ibrahim Coulibaly emprunte un car et débourse 30.000 francs CFA pour se rendre à Niamey, la capitale du Niger, avec seulement son attestation d’identité comme toute pièce. A Niamey, il paie 20.000 francs CFA pour Agadez, ville proche de la frontière nigérienne où il est hébergé par un inconnu, recommandé par le convoyeur de Daloa. Il y passe deux jours dans l’attente du prochain convoi pour la Libye. Le jour venu, ils sont mis par quinzaine dans une bâchée pour traverser le désert.

En Libye, un convoyeur arabe les accueille. Il s’accorde avec un autre convoyeur, chargé de les conduire pour la traversée. La marée étant haute à leur arrivée, ils patientent. Dans l’attente, Ibrahim tombe malade et est conduit à l’hôpital. Le diagnostic révèle qu’il souffre de tuberculose. Le convoyeur informe sa mère de la situation. Elle envoie de l’argent pour son retour à Daloa. Son aventure prend ainsi fin

La voie aérienne

Pour éviter le sort d’Ibrahim, certains candidats à la migration préfèrent prendre l’avion. C’est le cas de Pacôme Domoro, agent coordinateur des marchés au Service finances de la mairie de Koumassi. Ex-migrant et motivé par son ami qui est entré en Espagne par le Maroc, Pacôme décide de tenter l’aventure depuis Abidjan, en avril 2019.

Il achète un billet d’avion à 540.000 FCFA pour Casablanca, capitale marocaine avec 196.787 FCFA en poche. A Casablanca, il est hébergé par son « chairman ». Il patiente deux semaines, attendant un convoi pour Nador, l’une des villes où se déroule la traversée. Ils arrivent dans la forêt et y passent deux jours. Une camionnette sans sièges nommée « auto-mafia », arrive le troisième jour.

A 51 à l’intérieur, ils finissent par arriver de nuit dans un lieu proche de l’océan. Epuisé, Pacôme trébuche et perd connaissance. Ses compagnons l’abandonnent là. Il se réveille tôt le matin, puis finit au commissariat.

Les agents l’amènent en « refoulement », dans une ville sans possibilité de traversée. Il retourne à Casablanca. Une semaine après, il part pour Tanger où les migrants sont hébergés dans une maison inachevée. Pacôme abandonne finalement suite à une dispute avec l’hébergeur et est ramené à Casablanca. Il y réunit l’argent nécessaire pour rentrer à Abidjan, par car. Coût de l’aventure inachevée : environ 1.500.000 francs CFA !

Modes de transport combinés

Pour se donner plus de chances de succès, d’autres migrants combinent plusieurs moyens pour le voyage. L’expérience de Madika Touré, ancienne migrante et pépiniériste dans des plantations de cacao, se rapproche des deux personnes interrogées précédemment. Originaire de Daloa, ville phare de l’immigration irrégulière, Madika s’informe facilement sur le circuit. Espérant obtenir un financement pour son projet, elle part en car en juillet 2017.

D’Abidjan, elle arrive à Niamey, où elle prend un vol pour Tripoli, en Libye où elle est logée avec d’autres migrants dans un « ghetto ivoirien », par un « coxeur », chargé de les confier à un «chairman». Quelques jours après, ils sont amenés en bordure de mer, à Sabratah.

Entassés à 126 dans un bateau gonflable appelé « Zodiac », ils partent pour l’Italie. Le moteur tombe en panne en pleine mer. Ils sont ramenés en Libye et sont emprisonnés. Après avoir échappé à un kidnapping et à la prostitution, Madika arrive à Tripoli et fait du baby-sitting pour survivre. Elle rate le deuxième voyage, qui s’est finalement soldé par un naufrage. Elle tente une dernière fois la traversée dans un bateau « VIP » avec 50 personnes à bord.

Le moteur s’abîme une nouvelle fois et elle est encore ramenée en prison. Cette fois, elle bénéficie de l’aide de l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM) pour rentrer dans son pays. Madika a dépensé plus de 1.200.000 FCFA, pour rien !

Nadia Ba-Gomis

& Sarhia Bamba

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