Les quartiers et leurs rues dégradées à Abidjan : Un tour sur ces routes en ruine qui mettent les quartiers dans l´ombre


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Par Princesse KONAN
Mis à jour le 2024-06-28 20:14:20

Cocody, Riviera Palmeraie. Sous le brûlant soleil de midi, une mère de famille, teint d´ébène et en sueur, quitte son quartier pour se rendre à sa messe quotidienne. Entrepreneure, elle emprunte la Route du Walèbo qui traverse la cité...


Les affaissements au niveau du bitume ralentissent la voiture de Konan Hortense et la poussent à redémarrer à chaque fois pour avancer. Le moteur de sa Toyota grise ronronne à chaque coup d’accélérateur. Alors, dame Konan grogne : « C’est toujours ainsi, cette voie est tellement dégradée qu’elle nous pose toujours des problèmes.

Il y a une semaine, j’ai changé tous mes pneus à cause de la route et là, je risque d’arriver en retard à ma messe ». Hortense explique que cette route est ainsi dégradée depuis deux ans et le président du Syndic a même levé une cotisation pour sa réparation mais les fonds recueillis sont insuffisants. « J’espère que la mairie se souviendra de nous et viendra réparer cette route », conclut-elle.

    Non loin de là, vient de se garer Benson Kévin, barbe grisonnante et la tête reluisante dans une voiture de type 4/4 de couleur noire. Il révèle que cette route délabrée l’oblige à garer sa voiture loin de sa maison et à continuer sa marche à pied. « Une fois, en voulant rentrer avec mon véhicule à la maison, j’ai endommagé les amortisseurs. Cela m’a couté très cher. Je préfère donc me garer devant la boutique et continuer à pied », dit-il les mains dans les poches.

    Ces scènes sont de plus en plus récurrentes dans le District autonome d’Abidjan. La dégradation des voiries dans les quartiers d’Abidjan devient d’autant préoccupante qu’elle affecte la vie quotidienne des résidents. De nombreuses rues essentielles pour la mobilité des habitants, pour le développement économique et pour la qualité de la vie urbaine ne servent presque plus à rien.

   Dans la matinée du samedi 18 mai 2024, à Abobo-Baoulé, scène cocasse, deux minicars de transport appelés Gbaka viennent de se heurter et les conducteurs sont en altercation. « Ce n’est pas la première fois que cela arrive à cause de l’état de la rue. La route est endommagée mais l’Etat ne veut pas l’arranger », accuse, nerveux, Abdoul Sangaré, le conducteur d’un des véhicules accidentés, t-shirt rouge sur un pantalon bleu.  Le second conducteur, casquette sur la tête, ne veut rien comprendre et exige une compensation.

Les pneus de son véhicule ont visiblement pris un coup de vieux. Après la collision, les passagers descendent pour emprunter d’autres véhicules. Une passagère dans un grand boubou vert, chaîne orée au pied, se plaint et remet la faute sur la mairie qui, selon elle, ne fait pas d’efforts au niveau de l’entretien des routes. Elle est soutenue par Mariam Touré, consultante en finance, qui indique : « C’est la mairie d’Abobo qui doit se charger des voiries de la commune. Mais vu que la commune n’a pas assez de moyens, elle peut solliciter l’aide de l’État ou même du District ».

    Les échanges se poursuivent pendant qu’un apprenti-gbaka essaie de dégager le véhicule endommagé de la route pour éviter les embouteillages sur la voie. « Nos recettes même ne sont pas assez florissantes et il faut encore dépenser pour réparer la voiture. Quand nous allons augmenter le prix du transport, les clients vont se plaindre, mais nous n’avons pas le choix », dit-il, la mine renfrognée.

   Autre lieu, même ambiance. Au quartier Liberté, à Adjamé, la forte poussière que dégage le gravier versé le long de cette route impacte négativement les activités. Elle recouvre de sa couleur ocre les magasins des riverains, les véhicules ainsi que les tables de vendeuses au bord de la route. Ici, les riverains ont souvent recours à des cartons ou des sachets en plastique pour couvrir leurs marchandises. C’est le cas de Korotoum, 30 ans, vendeuse de pain et condiments. Sur sa table, les ustensiles sont remplis de poussière et elle vit difficilement cette situation.

« La poussière me gêne beaucoup, je suis obligée de couvrir mes plats avec des sachets en plastique pour éviter que la saleté entre dans la nourriture. J’ai perdu pas mal de clients à cause de ça, mais je n’ai toujours pas trouvé de place pour m’installer. C’est pour cette raison que je suis encore ici. Mes ventes sont en baisse », affirme-t-elle. Juste à côté, Roger, vendeur de fruits, déplore, peiné, du haut de ses 1,70 m : « La route est tellement mauvaise que les véhicules qui passent déversent toute la poussière sur nos marchandises. Je suis obligé de rincer les fruits chaque 30 minutes »

    À la gare d’Adjamé-Riviera, les transporteurs sont du même avis. Ils crient leur ras-le-bol, exténués de cette situation. Fofana Mohamed, chef de gare, décrit la triste situation qu’ils vivent : « La voie n’est plus praticable, cela crée de nombreux désagréments à nos conducteurs. C’est très difficile d’accéder à la gare à cause des embouteillages aux heures de pointe. Cette route endommage les amortisseurs et les pneus de nos véhicules ».

Ahmed Moctar, conducteur de gbaka affirme avoir vu sa recette diminuer. « Avant, je faisais 7 à 8 aller-retours par jour. Ce n’est plus le cas non seulement à cause de la route puisque, en chemin, le véhicule peut nous lâcher », déplore-t-il. Ceux qui mènent des activités tout au long de la ruelle, à savoir les vendeurs d’habits, les commerçants et commerçantes appellent à sa rénovation : « Nous implorons l’aide de l’État parce que cette situation nous pénalise tous », souhaite M. Kouassi, ingénieur en bâtiment.  D’autres par contre, prennent l’initiative de réparer les voiries de leur quartier, vu que ni la mairie ni l’État ne se prononce.

    Sam Kouakou, comme l’appellent affectueusement les enfants du quartier, teint noir et taille moyenne, est propriétaire de deux résidences dans son quartier. Au Programme 1 des Rosiers de la Riviera Palmeraie, il paie des travailleurs qui ont entamé les travaux de réparation de la voie.

 

« J’ai pris cette initiative parce que mon ami, le Général, m’a approché et je vois comment l’état de cette route avec les nids de poule a endommagé pas mal de concessions ici. Nous avons levé une cotisation et j’y ai ajouté le reste. Je le fais pour le bien de ma communauté », dévoile-t-il, en espérant que la mairie, l’État ou le District agissent au plus vite pour le bien-être de la population.

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ENCADRE 1

 20 000 km de routes à réparer !

 Depuis plusieurs années, la Côte d’Ivoire fait face à une dégradation alarmante de son réseau routier.  Autrefois étendard de la croissance économique, le réseau routier ivoirien est désormais un véritable défi pour les usagers. Les derniers relevés de dégradations effectués (IS de 1999) font apparaître 20 000 km de routes fortement dégradées.

Ces voies, vitales pour le commerce, le tourisme et la connectivité sociale souffrent d’une détérioration constante principalement due à l’usure naturelle, au manque d’entretien régulier, à la corruption dans le secteur de la construction, à la surcharge des véhicules, aux conditions météorologiques extrêmes imprévisibles et à une maintenance insuffisante.

   Ces maux sont accentués par des années de sous-investissements qui affectent non seulement la sécurité des usagers, mais aussi les habitants et les entreprises qui sont confrontés à des retards, des accidents, des pertes économiques considérables. Les fissures, les nids-de-poule et les chaussées déformées mettant en péril la vie des usagers et génèrent des coûts considérables en réparations de véhicules.

   Malgré les efforts du gouvernement pour améliorer l’infrastructure routière, le chemin vers des routes sûres, fiables et durables dans les quartiers résidentiels d’Abidjan reste un défi majeur.

 

Xavière AGBOGNIHOUE

 

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