Maquis communautaires à Abidjan : « O´Baoulé » d´Angré, le sanctuaire de la culture et de la gastronomie


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Par Amara Diarrassouba
Mis à jour le 2024-05-13 00:21:58

De jour comme de nuit, le décor est le même : électrique et rythmé par les chants polyphoniques qui envahissent les airs de cet enclos, érigé en un véritable lieu de spectacles pour la circonstance.


Ici ‘’O ’Baoulé’’ d’Angré, au cœur du quartier huppé de Cocody au Nord du District d’Abidjan, contrairement au cliché tribal véhiculé sur ces genres d’endroits, la distinction de race est le dernier des soucis.

Les sonorités tradi-modernes de toutes provenances se mêlent les unes aux autres, pour donner une saveur multiculturelle bété, dida, wè, etc. Tout un cocktail musical à la satisfaction des clients comme Yao Ettien, un habitué du coin : « La particularité de cet endroit, c’est qu’on y trouve toutes les musiques. Les gens se côtoient dans la joie et chacun y trouve de son intérêt », raconte-t-il, avec joie.

   Ici, pas de Rap, ni de Zouglou, encore moins du Coupé décalé, ces sonorités urbaines exportées par la Côte d’Ivoire culturelle. O’Baoulé d’Angré, hommes, femmes et enfants vibrent, tous, au rythme de la symphonie traditionnelle.

Du Tam-tam au balafon, en passant par l’ahoco, c’est un véritable festival musical auquel ont droit les clients de ce maquis. Un régal pour le client Goré Sébastien, qui ne souhaite pour rien au monde rater ces heures de distraction : « Magnifique. Tu peux y passer des heures et ne même pas sentir le temps passer. Je suis ici depuis 8 h et là, nous sommes à 12 h. Déjà 4 h passées ici mais c’est comme si je venais à peine d'y entrer », se réjouit-il.

    Il est effectivement midi et le maquis O ’Baoulé ne désemplit pas. Au contraire, il continue d’enregistrer, au compte-goutte, l’arrivée de personnes venues festoyer dans une ambiance chaleureuse.

Outre la musique, on trouve ici des mets succulents, des spécialités ivoiriennes comme l’attiéké, le placali, le foutou, accompagnées à volonté de sauces gnangnan, biékosseu et gouagouassou. Pour ça, il y a de clientèle fidélisée, à l’image de Mariame Diallo et son ami Prince David : « Tous les midis, c’est ici que je viens pour me restaurer avec mon ami. Les plats y sont délicieux », affirme-t-elle.

Et à son ami de renchérir : « Ça fait pratiquement six mois que nous fréquentons cet endroit, et c’est toujours la même ambiance, avec ces repas toujours à notre goût ».

   Le secret des mets appréciés de tous, Suzie Aya, la promotrice de cet endroit, déclare la tenir de sa défunte mère Marie Kossonou qui, elle-même, l’aurait héritée de sa tante. Aux côtés de Suzie, sa jeune fille Koffi Blandine et cinq hommes s’occupent de l’installation des tables et des chaises. C’est une chaine de boulots au soins des nouveaux clients qui arrivent et qui déclarent comme préférence, le vin de palme appelé le Bandji.

   O’Baoulé, l’après-midi est le moment idéal pour se détendre et discuter entre amis. Les clients sirotent leur liqueur locale en jouant aux cartes ou en regardant la télévision. Les femmes, quant à elles, se rassemblent pour papoter. Vu l’ambiance, on s’y croirait au village.

Charles Essoh, un habitué des lieux, et ses amis partagent le même avis : « C’est l’ambiance que nous avons connue au village. Moi je suis de Toulépleu, à l’Ouest de la Côte d’Ivoire. Là-bas, nous nous retrouvons dans cet esprit pour nous amuser. Et toutes les fois que je me retrouve ici au Baoulé, je revis ces instants », fait-il remarquer. Un Guéré à l’espace dédié aux Baoulés par son appellation. Ici aussi, les clichés tombent.

    O’Baoulé d’Angré, on vit enfin au rythme des prestations d’artistes. Des musiciens traditionnels qui ont, pour certains, 30 ans de métier, viennent y prester avec des danseurs pour donner un cachet festif à ces moments. Parmi eux, Dester Amani, la soixantaine révolue : « Pour nous, ces moments sont privilégiés. A notre âge, prester est comme un plaisir que nous partageons à travers notre musique. Beaucoup parmi vous n’étaient pas présent à nos heures de gloires, alors nous chantons pour marquer le temps, car un artiste ne meurt jamais, il dure dans le temps », rappelle Dester, sourire aux lèvres.

    Lorsque meurt le soleil et que l’ombre de la nuit plane sur le maquis 0’Baoulé, un tout autre décor se plante toujours dans l’ambiance chaleureuse et accueillante. Les clients sont toujours souriants et bavards, mais certains sont complètement saouls. La musique est toujours entraînante et des clientes se prêtent au jeu de certains séducteurs pour s’entrelacer sur la piste de danse.

Si Les sonorités restent traditionnelles, les mouvements eux empruntent à la culture moderne quelques pas soigneusement esquissés. Le rythme est aux soirées entre amis ou pour découvrir la culture ivoirienne.

Pour Armand Zogbo, ces maquis communautaires ont un rôle positif dans la société ivoirienne : « C’est la preuve vivante de la valorisation de notre culture. Un véritable pont de sympathie entre les peuples. Cela doit durer longtemps pour que nos richesses et nos valeurs ne meurent jamais », souhaite-t-il.

Ainsi va le maquis O’Baoulé d’Angré, lieu de rencontres, de restauration et de valorisation de la culture ivoirienne, voire africaine.

 

 

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