2024-01-21 22:14:29
C’est le cas de Ouattara Hamed, employé dans une scierie à Bingerville : « Dans notre société, l'employeur refuse carrément de payer les 75 000f parce que ne se sentant pas concerné par cette décision. Ceux qui ont voulu protester ont été remerciés sans autre forme de procès », déplore-t-il.
La matérialisation des rapports professionnels par des contrats conformes à la législation du travail fait défaut dans beaucoup d’entreprises ivoiriennes. « Quand on décide d’embaucher une personne, on doit lui payer un salaire décent pour vivre », rouspète Solange Kouadio, cuisinière dans un restaurant à Marcory, pour exprimer son tracas devant le refus délibéré de ses employeurs à verser le Smig à leurs employés.
Jeanne, abidjanaise et caissière dans le magasin d’alimentation d’une station-service, touche un salaire de 55 000 FCFA/mois dont 40 000 F affectés à la location de son studio dans un quartier populaire de la capitale économique. Pour joindre les deux bouts, elle a recours aux membres de sa famille.
La nouvelle revalorisation du Salaire minimum interprofessionnel garanti (Smig) a été décidée par le Conseil des ministres du 21 décembre 2022. Pour assurer un niveau de vie décent aux travailleurs, le gouvernement ivoirien a fixé le Smig pour les travailleurs du privé et du public à 75.000 FCFA contre 60 000 FCFA, précédemment, soit une augmentation de 25 %.
Cette augmentation faisant suite à l’appel du président de la République Alassane Ouattara à l’occasion de son discours à la nation du 6 août 2022, le gouvernement a invité les employeurs à s’y conformer dès le 1er janvier 2023.
Le délai est passé, mais comme de nombreux autres travailleurs, les employés des sociétés de nettoyage n’échappent pas au non-respect de la mesure. Dans ces sociétés, l'obtention du marché repose sur le critère du moins-disant. Ici, la marge de bénéfices ne dépend que du salaire des employés. La mesure d'augmentation du Smig risque donc de mettre le feu aux poudres. Pour le moment, les entreprises de nettoyage refusent de revoir les contrats et augmenter les prix appliqués avant l'instauration de cette augmentation.
Pour certains spécialistes du monde du travail, si l’instauration du Smig est souvent le résultat des luttes syndicales, dans le fond, il est admis qu’un salaire minimum élevé détruit des emplois, notamment ceux des plus pauvres.
Cette assertion trouve un écho favorable chez Jérôme Kouassi, professeur d’Economie dans une université de la place : « Il faut saluer la décision de la hausse du Smig, mais faire respecter son application risque d’être compliquée. Les charges de l’entreprise augmentent et si les entreprises doivent payer le Smig, elles sont contraintes de licencier des travailleurs pour ne pas mettre la clé sous le paillasson, ou alors de ne pas appliquer cette augmentation pour conserver les emplois », fait remarquer l’économiste.
En raison de ces difficultés, des employeurs souhaitent un « accompagnement du gouvernement pour leurs activités afin d’améliorer le pouvoir d’achat de leurs salariés, notamment ceux ayant les salaires les plus modestes ».
A ce propos, Moussa Soumahoro, agent au ministère de l'Emploi et de la Protection sociale rassure : « L’État jouera sa partition pour faciliter la tâche aux entreprises en les encourageant à respecter les lois et cet acte réglementaire que nous avons pris ».
Pour sa part, le ministre de l’Emploi et de la Protection sociale, Adama Kamara, salue la décision gouvernementale : « Cette décision prise en Conseil des ministres me réjouit particulièrement. On ne peut pas développer la Côte d'Ivoire Solidaire sans revaloriser le travail. On ne peut pas croire en la Côte d'Ivoire Solidaire sans revaloriser le Smig. C'est désormais chose faite », a-t-il conclu.
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Le SMIG en 6 points
Sylvie N’GUESSAN
Viviane MOUHI