En attendant le métro d´Abidjan: Les familles déguerpies se débrouillent pour survivre


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Par Othniel KOUASSI
Mis à jour le 2024-01-21 22:14:26

Le constat est triste dans la commune de Port-Bouët, ce mardi 3 mai 2023.


À 100 mètres de la statue Akwaba, un bâtiment de trois étages peint en rose et jaune, partiellement détruit depuis environ six mois, affiche encore son image hideuse.

Franck Armel, la vingtaine révolue, de teint noir, du haut de ses 1,80 mètres, tient une cabine téléphonique juste devant le caniveau qui sépare la voie et le bâtiment en question.

Il est un témoin de la démolition de plusieurs maisons. « C’était courant d’octobre 2022. Je suis arrivé à 10h et les engins de démolition étaient déjà stationnés. Je m’apprêtais à poser ma caisse pour commencer mon travail quand des membres de l’équipe m’ont fait savoir que je devais quitter les lieux parce qu’ils allaient détruire l’immeuble d’un moment à l’autre », relate Franck Armel.

Selon lui, les occupants de cet immeuble très peuplé ont eu à peine le temps de faire descendre leurs affaires que les machines sont rentrées en action.

 Elles ont laissé derrière elles une bâtisse encore debout mais démolie aux trois quart. « Depuis lors l’espace que vous voyez est resté sans vie. Il est interdit aux enfants de jouer en ces lieux à cause des morceaux de fer ».

   Non loin de là, Marcelin Kouao, un professeur de lycée à la retraite, est assis sur des briques rangées au milieu de l’espace démoli qui sert désormais de ’’plein air’’.

Il a dans la main droite un journal enroulé en forme cylindrique et un paquet de cigarettes dans la main gauche. Il décrypte l’actualité ivoirienne avec son ami de longue date debout, une bouteille d'eau minérale en main.

« Je viens ici régulièrement pour lire tranquillement mon journal et fumer ma cigarette. L’air est frais », fait-il savoir avant d’indiquer lui aussi que le bâtiment a été détruit en sa présence : « Depuis lors, personnes ne passe par là pour réclamer quoi que ce soit, ou poser une quelconque interdiction », explique-t-il entre deux bouffées de cigarette.

Les morceaux de briques, les flaques d’eau, les hautes herbes, les fers, les margouillats, et autres reptiles sont désormais les nouveaux maitres d’une partie de ce nouveau ’’plein air’’. Le tout enveloppé dans une légère odeur de moisissure.

   Juste derrière ce bâtiment, vit Mme Lucienne Koffi. Célibataire et mère de trois enfants, elle habitait au premier étage du bâtiment en question avec sa famille et sa mère venue à Abidjan pour se faire soigner.

Elle s’est relocalisée là, temporairement, le temps de trouver une autre maison plus adaptée. « Là où nous étions, le salon était plus grand qu’ici, et il y avait trois chambres. Nous étions plus à l’aise là-bas. Mais depuis que nous sommes ici dans cette maison d’une chambre salon, nous vivons inconfortablement. Avec toutes nos affaires qui ne peuvent pas contenir dans la chambre, nous avons été obligés de mettre certains de nos effets au salon, nous sommes encombrés », raconte-t-elle avec colère.

Elle et sa famille vivent dans cet espace dans l’espoir d’un geste favorable des autorités municipales qui tarde à venir : « J’ai obtenu cette maison par le biais de mon grand frère qui travaille à la mairie de Port-Bouët. Il m’a fait savoir qu’on allait être dédommagé. J’ai signé des documents mais jusque-là rien. Cela fait quatre mois que j’attends », soutient dame Lucienne.

   Toujours dans cette même zone, fermé par des morceaux de tôle, un autre bâtiment de quatre étages est en démolition. Sur le site, un collectif de ferronnier se dépêche pour collecter les morceaux de fers dans les gravats.

Munis de chariots en bois, marteaux en main, ils s’attèlent tous à concasser les briques afin de retirer les fers. « Depuis que cette opération a débuté nous passons sur chaque site pour collecter les morceaux de fer. Les gens achètent très bien le fer récupéré et nous permet de gagner de l’argent », indique, Sangaré Mohamed qui faisait office de chef de groupe.

    Le projet révolutionnaire de construction du métro d’Abidjan a fait de nombreuses victimes. 

D’Anyama à Port-Bouët en passant par Abobo, plusieurs habitations ont été détruites laissant place mais le projet est pratiquement à l’arrêt alors que les familles touchées broient du noir sur ces grands chantiers abandonnés.

 

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