Ils sont dans tous les lieux publics à Abidjan: La mendicité, une forme d´escroquerie déguisée


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Par Sandrine ASSO APIE
Mis à jour le 2024-01-21 22:13:07

Cocody Deux Plateaux, il est 9h47. La journée commence bien au supermarché SOCOCE. Les clients se pressent pour faire des achats. Au milieu de ces nombreuses personnes, quelque chose attire l´attention.


Il s’agit des mendiants, assis à l’entrée du supermarché. Munis d’assiettes, ils sont alignés les uns après les autres sous un parapluie, pour éviter le soleil du jour. Des femmes assises au bord de l’entrée principale, habillées dans de robes longues avec des voiles, laissent leurs enfants aborder les passants et les clients qui viennent faire leurs achats dans le supermarché.

Objectif, demander de l’argent. Ces enfants usent de leur force pour amener les donateurs à faire un geste. Ce qui ne marche pas à tous les coups. Après des refus, ces enfants parviennent à obtenir quelques pièces d’argent qu’ils ramènent à leurs mères. Une satisfaction se lit sur le visage de ces dernières comme l’affirme Aminata, mendiante : « Si on ne fait pas ça, on ne va rien avoir à la fin de la journée. Quand les passants voient les enfants, ils ont pitié. Et puis ils donnent quelque chose » a-t-elle dit.

Entre le supermarché et la station TOTAL de la zone, se trouve un homme infirme assis dans un fauteuil roulant. A l’arrière de ce fauteuil, est attaché un sachet bleu contenant ses outils de cordonnerie. Cordonnier depuis toujours, ce monsieur use aussi de la mendicité pour obtenir de l’argent. Il ne laisse aucun passant le dépasser sans la main pour mendier.

« Je suis cordonnier à la base mais, par manque de moyens financiers pour m’installer, je suis obligé de mendier pour subvenir à mes besoins » explique-t-il. Chaque jour, cet infirme se met à la même place dans l’espoir de récolter suffisamment d’argent pour ouvrir sa structure. Ce phénomène est récurrent dans la ville d’Abidjan et sous diverses formes. Dans la commune d’Abobo, la mendicité se déroule précisément devant la mairie d’Abobo.

Trois femmes, vêtues de pantalons noirs, de chemises blanches et d’un cache nez, tiennent chacune en main un cahier et un stylo. « Elles se font passer pour des agents d’une ONG qui s’occupe des orphelins. Ces dames utilisent cette stratégie pour quémander de l’argent aux passants, en les enregistrant dans leurs cahiers pour les mettre en confiance », indique Monsieur KONE, gérant de cabine téléphonique en face de la Mairie, qui assiste à cette routine presque tous les jours. Selon lui, les arrivent à soutirer de l’argent à une vingtaine de personnes par jour.

Dans la même commune, devant la pharmacie La ME, le constat est étonnant face au nombre pléthorique de mendiants. Pères, mères, enfants, vieillards, chacun avec sa soupière qui sert de porte-monnaie. FANTA, mère et veuve, nous relate : « J’ai perdu mon mari quand mes enfants avaient deux mois. Etant sans emploi, je n’ai pas eu le soutien de ma belle-famille. Donc, je suis obligée de mendier pour avoir de quoi nourrir mes enfants ».

De l’autre côté de la voie, des vieillards se font remarquer à travers leurs stratégies. Chacun, assis individuellement sur des tabourets, ne bouge pas. Ils délèguent des enfants sur les trottoirs. Ces enfants de quatre (4) à six (6) ans, sont utilisés comme des vendeurs de mouchoirs, d’eau et de plein d’autres choses. Ces derniers se faufilent entre les voitures qui stationnent aux feux tricolores de la pharmacie La ME.

Vu l’âge des enfants, les automobilistes ne peuvent pas rester indifférents. Un paquet de mouchoirs qui est vendu à 100Fcfa l’unité peut être acheté par acquéreur à 5000Fcfa et même plus. « Je ne peux pas m’empêcher de donner de l’argent à ces gamins à chaque fois que je les voie entre ces voitures sous le chaud soleil, en train de vendre » confie M. AZIAN, agent à la mairie d’Abobo. 

A 100m de là, le décor change. A l’arrêt de bus de la gendarmerie, une jeune fille de teint clair, environ 1m70, vêtue d’une robe cousue à sa taille, se fait passer pour une sourde-muette, pour implorer la miséricorde des passagers à bord des différents bus sur l’axe Abobo - Angre. Une technique qui marche bien pour les jeunes filles.

Dans la même foulée, M. Kacou, promoteur immobilier, victime d’escroquerie par un mendiant livre son témoignage : « Un jour, un mendiant m’a dit qu’il a besoin d’argent pour payer les frais d’hospitalisation de sa femme. On pouvait lire sur son visage tristesse et angoisse. Il m’a dit que les frais s’élevaient à 200.000Fcfa et sans réfléchir, je lui ai donné cette somme d’argent. Mais trois mois après, le même homme a abordé mon collègue avec une autre histoire. Depuis ce jour j’ai décidé de ne plus aider les mendiants » a-t-il expliqué dépité.

A ce jour, les mendiants grandissent en nombre dans notre capitale. Ils se hissent aux abords des routes quotidiennement, bien que cela soit interdit par la législation ivoirienne. Pour les autorités municipales, les jours passent et se ressemblent au vu de ce phénomène.

 

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