Violences en milieu scolaire et estudiantin Dr. Lucie Koko (UFR de Criminologie) : « Les violences tirent leur source dans des décisions non consensuelles »


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Par Espérance KO
Mis à jour le 2024-01-21 22:09:56

Docteur Lucie Koko N´GORAN, Maître de Conférences, Enseignant-chercheur à l´UFR de Criminologie à l´université Félix Houphouët Boigny de Cocody, a fait sa thèse sur les violences en milieu scolaire et estudiantin. Elle dévoile dans cette interview accordée, les causes et les fondements sur ce fléau.


Dr Lucie Koko N’Goran, pouvez-vous vous nous définir les violences en milieu scolaire et estudiantin ?

La violence  est un concept univoque car elle peut bien expliquer aussi bien des faits que des actions humaines ou non (naturelles). Dans son étymologie, dans sa construction historique et dans son évolution, le mot violence (mot latin) désigne un caractère emporté, farouche, indomptable. Elle va prendre le sens de force  irrésistible, néfaste ou dangereuse, brutal jusqu’à devenir la force, la vigueur et par conséquent l’emploi de la force. Ce qui  peut contraindre, intimider et/ou soumettre une personne. Les auteurs nous parlent de la violence comme une gamme de comportements et d’actions physiques et/ou psychologiques qui consiste dans l’emploi de la force, de l’intimidation contre quelqu’un pouvant entrainer des dommages physiques et/ou psychologiques. Ces violences sont définies en fonction d’une communauté donnée.

 Comment se manifestent les violences en milieu scolaire et universitaire ?

Les violences dans les institutions d’apprentissage (écoles et universités) sont définies comme des dérives comportementales, des comportements agressifs selon l’état psychologique de chaque antagoniste qui peuvent ou non produire des préjudices (attentes physiques, psychologiques, destruction de  biens privés et publics). Ces violences peuvent être physiques, psychologiques et verbal

 Quels sont les facteurs qui engendrent ces violences ?

Pour qu’une situation de violence se construise, il faut que plusieurs facteurs soient combinés. Le diagnostic dans les établissements scolaires et universitaires laisse entrevoir un problème fondamental dans les relations éducateurs/éduqués. Il semble que ces situations liées la plupart du temps aux règlements intérieurs et qui conduisent les violences tirent leur source dans l’organisation des établissements scolaires et universitaires et dans des décisions administratives (ministères et administrations scolaires et universitaires) prises de manière non consensuelle : négligence ou non satisfaction des revendications des élèves, rupture de communication et manque d’intérêt pour les apprenants qui sont source de frustration et qui conduisent aux agressions et aux violences, décomposition du cadre normatif entrainant une capacité de sanction affaiblie et la non légitimité des règles générales applicables à tous.

 Comment peut-on prévenir la violence en milieu scolaire et universitaire ?

 Toute société construit son système éducatif en rapport avec les valeurs fondamentales : civisme, respect d’autrui et de ses biens, tolérance. En somme devoirs et droits qui sont les bases de sa cohésion, de son développement tant économique que politique puisqu’elle projette son avenir dans la formation de sa jeunesse. Pour prévoir la violence à l’école, il faudra penser à de nouvelles bases de règles de vie consensuelle de répression pour servir d’exemplarité, à la construction d’un référentiel nouveau impliquant tous les acteurs scolaires et universitaires et induisant de nouveaux comportements. Les violences des élèves et étudiants sont souvent des violences de vengeance, de lever de honte et de l’iniquité qu’ils pensent vivre. Alors, il serait important qu’un espace de rencontre soit créé dans les emplois du temps où des problèmes soulevés par la population scolaire et universitaire trouveront des résolutions.

Quel rôle a pu jouer la société dans les violences en milieu scolaire et universitaire ?

  La société ivoirienne, avec la crise économique qui perdure depuis 1980, a vu s’aggraver la paupérisation de la population ainsi que le relâchement des mœurs (corruption, vol, violence, etc). Dans cette atmosphère de paupérisation avancée, chacun « se cherche » et les actions des différents acteurs sociaux se définissent selon leurs intérêts propres. En outre, l’actualité socio-politique présente des modèles contradictoires. A côté de la promotion des valeurs comme le travail, le mérite, l’honnêteté par exemple, se développent les contre-valeurs tels la corruption, le détournement de deniers publics, le gaspillage, l’accumulation des biens par un petit nombre au détriment de la majorité. En somme, des comportements de facilité sont prônés. Alors, les conduites des élèves et étudiants semblent-elles être corrélées à l’état de l’environnement social dans ce qu’il comporte de contradictions, d’inégalités et d’iniquités. Les élèves et étudiants n’ayant que des modèles projetés par les situations nouvelles que vit le pays, cherchent à rejeter les valeurs culturelles normales qu’on leur propose en s’en prenant aux adultes.

 Espérance KOUAME

Ami TRAORE

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